Ces Jeux sont ceux de Vladimir Poutine. Ne s'est-il pas impliqué personnellement, en se rendant à Guatemala en 2007 pour défendre la candidature de la ville ? Le choix du CIO, le président russe en est sûr, consacre sa politique de restauration de
la puissance nationale.
« Je peux dire avec certitude que si nous n'avions pas pu restaurer l'intégrité territoriale, si nous n'avions pas fait cesser les troubles dans le Caucase, si nous n'avions pas redressé l'économie, les problèmes sociaux, il n'y aurait pas eu de Jeux olympiques », expliquait-il en 2007.Événement sportif majeur,
Sotchi est aussi une grande entreprise de séduction, de prestige et de reconnaissance internationale. Il renvoie l'image d'un pays moderne et dynamique qui a réussi le pari de construire pratiquement ex-nihilo un site olympique. Le coût a certes été faramineux, mais le résultat obtenu impressionne. Les performances russes rappelleront en outre que la Russie, grande nation olympique, peut être une terre d'excellence.
Sur la place du Manège, à deux pas du bureau de Vladimir Poutine au Kremlin, une pendule numérique égrène les jours, les heures, les minutes qui séparent le pays de l'ouverture des Jeux olympiques (JO) d'hiver de Sotchi, le 7 février 2014, soit le plus grand événement international organisé par la Russie depuis la chute de l'URSS en 1991.
Méconnaissable, l'ancienne cité balnéaire de la noblesse russe sera pour deux semaines la carte de visite d'une Russie soucieuse d'exposer ses muscles et son faste retrouvé. De vastes espaces sont encore en chantier dans la ville de 400 000 habitants, un ruban de 145 km entre la mer Noire et les montagnes du Caucase dépourvu d'infrastructures. Récemment, 8 000 Russes ont été recrutés pour remplacer les ouvriers émigrés chassés par les services de l'immigration. Le temps presse. Le stade en forme de flocon de neige qui accueillera la cérémonie d'ouverture n'est pas encore achevé, de nombreux hôtels restent à construire. Comme Sotchi est située dans une zone subtropicale, on craint l'absence de neige : il a fallu stocker 300 000 mètres
cubes de poudreuse. La note à payer est vertigineuse. Estimées initialement entre 5 milliards et 12 milliards d'euros, les dépenses consacrées à la préparation des JO ont grimpé à 37,9 milliards, dont 24 milliards puisés dans les caisses de l'Etat. En comparaison, les Jeux de Vancouver (Canada), en 2010, avaient coûté 2,7 milliards d'euros, ceux de Londres, en 2012, étaient revenus
à 11,5 milliards.
C'est par le Caucase que Vladimir Poutine a conquis la Russie, avec la seconde guerre de Tchétchénie (2000-2004), dont il s'est servi comme tremplin pour accéder à la présidence en mars 2000. Il compte sur les jeux de Sotchi pour asseoir son image. A bien des égards, Sotchi est à Poutine ce que Saint-Pétersbourg fut à Pierre le Grand. [....]
La sécurité sera draconienne. La frontière avec l'Abkhazie sera fermée, des postes de contrôle de la police jalonnent déjà les routes. La circulation en ville sera limitée, la navigation en mer Noire sera réduite. Près de 40 000 policiers et soldats seront sur les dents. De quoi transformer Sotchi en « un camp d'internement olympique », déplorait récemment le blogueur Alexandre Valov.
Marie Jégo (Istanbul, correspondante pour le Monde).